Lettre d’information Voix des Femmes avril 2011 |
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Chères amies, chers amis,Bienvenue à Voix des femmes, la lettre d'information de Women's Initiatives for Gender Justice. Dans Voix des femmes, vous trouverez des mises à jour et des analyses sur les évolutions politiques et juridiques, ainsi que sur l'état des pourparlers de paix et des efforts de réconciliation, vus par des militants des droits des femmes dans six conflits armés — en Ouganda, en République démocratique du Congo (RDC), au Darfour, en République centrafricaine (RCA), au Kenya et en Libye. Nous travaillons dans ces contextes car ces situations font actuellement l'objet d'enquêtes par la Cour pénale internationale (CPI). En plus de Voix des femmes, nous produisons également régulièrement un bulletin juridique, Panorama légal de la CPI, avec des résumés et des analyses des derniers développements juridiques, décisions judiciaires, annonces de mandats d'arrêt et participation des victimes devant la CPI, d'autant plus que ces questions se rapportent à la poursuite de crimes contre les femmes. À travers ces deux lettres d'information, nous allons aussi vous tenir au courant des programmes de Women's Initiatives, ainsi que de notre avancée juridique et politique, de nos campagnes, de nos événements et de nos publications. Davantage d'informations sur le travail qu'effectue Women's Initiatives for Gender Justice et sur les éditions antérieures de Voix des femmes et de Panorama légal de la CPI peuvent être trouvées sur notre site web www.iccwomen.org. Atelier de plaidoyer-vidéo pour faire avancer la justice pour les femmesDu 28 mars au 6 avril, Women's Initiatives for Gender Justice et WITNESS ont organisé un atelier de plaidoyer sur vidéo de dix jours à Nairobi, au Kenya, pour les activistes de la justice pour les femmes dans des situations de conflits armés. La formation, qui fait partie d'un projet pluriannuel commun pour développer des vidéos et des stratégies multimédias pour faire avancer la justice pour les femmes, a réuni 17 partenaires de Women's Initiatives issus de cinq pays : le Soudan – y compris un représentant du Sud-Soudan, la République démocratique du Congo (RDC), le Kenya, la République centrafricaine (RCA) et le Kirghizistan. La formation comprenait une introduction à la « mécanique » de l'utilisation et de l'entretien d'une caméra vidéo, à l'enregistrement et au stockage des images, à la narration à travers la vidéo, aux questions de sécurité pour les personnes interviewées et les vidéastes, ainsi qu'à l'édition et à la distribution des vidéos terminées. Cette formation fait suite à des ateliers plus courts de plaidoyer sur vidéo qui se sont tenus à Bukavu, à l'est de la RDC, pour 13 partenaires de Women's Initiatives au cours de la Marche mondiale des femmes (octobre 2010) et à Kampala, en Ouganda, pour sept partenaires du Greater North Women's Voices for Peace Network (décembre 2010). Au cours des deux prochaines années, plusieurs vidéos seront produites soulignant les questions de justice entre les hommes et les femmes relatives à chaque pays et à son contexte. Nous fournirons des mises à jour sur les projets et des liens vers les vidéos quand ils seront lancés. ■ En lire plus sur le plaidoyer sur vidéo et sur la justice pour les femmes (en anglais) RDC :: Commandant condamné pour le viol de masse à FiziLe 21 février 2011, une chambre foraine pour la justice pour les femmes a condamné le Lieutenant-colonel Mutware Daniel Kibibi de l'armée congolaise (FARDC) à 20 ans de prison pour la campagne de viols, considérée comme crime contre l'humanité, qui a eu lieu le jour de l’An dans le village de Fizi, au Sud-Kivu, et au cours de laquelle plus de 60 femmes ont été violées. Au cours du procès tenu du 10 au 20 février dans la ville de Baraka au Sud-Kivu, 49 victimes/survivantes sont venues témoigner sur les viols et autres formes de violences sexuelles commis lors de l'attaque à Fizi. Il a été rapporté que chacune des victimes dans l'affaire recevra à titre de compensation 10 000 USD par le gouvernement de la RDC, bien qu'à ce jour il n'y ait pas eu d'indications de la part du gouvernement quant à la date du versement ou du mode de paiement. Bien que cela ne soit pas le premier procès dans lequel des membres de l'armée congolaise ont été condamnés pour viol et autres formes de violences sexuelles,[2] le Lieutenant-colonel Kibibi est le premier commandant des FARDC et la première figure militaire en RDC à être accusé de crimes contre l'humanité pour des actes de violences sexuelles. Au cours du même procès, dix autres soldats des FARDC ont été jugés pour viol comme crime contre l'humanité. Trois d'entre eux ont été condamnés à 20 ans de prison et cinq autres ont été condamnés à une peine de 10 à 15 ans d'emprisonnement. Un soldat a été acquitté et l'autre, un mineur, a été déféré à un tribunal pour mineurs. Selon un partenaire de Women's Initiatives dans le Sud-Kivu, le ministère public avait demandé aux juges une peine de mort pour cinq des accusés et 30 ans de prison pour les six autres. Bien que la dernière condamnation à mort en RDC ait été réalisée en janvier 2003,[3] la peine de mort est toujours prévue par le système judiciaire congolais, en vertu duquel les chambres foraines pour la justice pour les femmes fonctionnent. Cela a soulevé quelques préoccupations parmi certains groupes quant au respect des normes internationales relatives aux droits humains. Toutefois, il convient de noter que la peine de mort n'a été utilisée dans aucune des décisions de condamnation des chambres foraines pour la justice pour les femmes. Le viol de masse du Nouvel An est un signe tangible de la détérioration de la sécurité dans le territoire de Fizi. Il a été rapporté que de la mi-janvier à la mi-février 2011, 147 cas de viol ont été examinés par le personnel médical dans la région occidentale de Fizi seulement. Ce chiffre n'inclut pas les victimes/survivantes du viol de Fizi du 1er janvier. Kibibi était un ancien membre du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), un groupe de rebelles intégré à l'armée congolaise (FARDC) suite à la signature le 23 mars 2009 de l'Accord de Goma conclu entre le gouvernement congolais et le CNDP. L'accord de paix coparrainé par l'ONU avait appelé à l'intégration des membres de la milice du CNDP au sein des FARDC, sans toutefois préciser de mécanisme de contrôle ou de mécanisme pour veiller à la réhabilitation des ex-rebelles avant leur intégration dans l'armée régulière. Après la signature de l'Accord de Goma, Women's Initiatives for Gender Justice avait exprimé sa préoccupation au Secrétaire général des Nations Unies sur les aspects spécifiques de l'Accord, y compris (a) l'absence d'un mécanisme de contrôle pour les combattants avant leur intégration dans l'armée; (b) l'absence de dispositions dans l'Accord exigeant de nouvelles formations pour la police et les combattants du CNDP, et (c) la clause d'amnistie dans l'Accord de Goma avec le CNDP. L'absence de telles mesures et la possibilité d'amnistie pourraient contribuer à la répétition de crimes à caractère sexuel par les membres du CNDP, en particulier par ceux ayant préalablement commis de tels crimes.[4] Ces préoccupations ont été transmises au Secrétaire général des Nations Unies en juin 2009 dans une Lettre ouverte de Women's Initiatives signée par 65 partenaires dans l'est de la RDC, représentant plus de 180 organisations de droits humains et de droits des femmes. Cette analyse de l'Accord de Goma avait été confirmée en octobre 2009 par le professeur Philip Alston, Rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, qui a déclaré que les attaques contre les civils par les FARDC avaient augmenté en raison, à son avis, du manque de formation et de l'incapacité à pleinement intégrer les anciens membres des groupes armés appartenant au CNDP.[5] Selon le professeur Alston, les violations des droits humains commises par les FARDC demeurent généralement impunies, y compris celles commises par d'anciens membres du CNDP, de peur de l'éventuelle réaction d'autres membres du CNDP au sein des FARDC. Presque deux ans après la signature de l'Accord de paix de Goma, ces préoccupations ont été également confirmées par les événements de Fizi et par les condamnations de membres de l'armée régulière (dirigée par un ancien membre du CNDP) pour viol comme crime contre l'humanité. Alors que ces condamnations constituent une évolution positive, les crimes sont eux-mêmes emblématiques d'un accord de paix négocié, signé et mis en œuvre sans la participation de défenseurs pour la justice pour les femmes et d'experts en droits des femmes, et sans se conformer aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité. La Résolution 1820 du Conseil de sécurité se réfère explicitement à des mécanismes appropriés pour protéger les civils contre les violences sexuelles, y compris la formation de troupes militaires en ce qui concerne l'interdiction de tels actes, ainsi qu'un contrôle approfondi des forces armées et de sécurité.[6] La Résolution 1820 souligne également l'exclusion des crimes de violences sexuelles dans les dispositions d'amnistie dans le cadre d'un processus de résolution des conflits.[7] À la suite des atrocités du Nouvel An, les défenseurs locaux des droits des femmes sur le territoire de Fizi ont organisé une réunion d'urgence avec 24 ONG locales. Les participants à la réunion ont décidé d'envoyer des enquêteurs dans les zones où les victimes/survivantes de l'attaque avaient été déplacées et ont demandé justice pour les victimes/survivantes du viol de masse. Soudan :: Les femmes déplacées exhortent la communauté internationale à se focaliser sur le DarfourSelon les partenaires de Women's Initiatives for Gender Justice, les camps de milliers de déplacés internes ont été assiégés et détruits. Les personnes déplacées attribuent ces attentats à la mise en œuvre par le gouvernement de la « nouvelle stratégie pour le Darfour », un document ratifié le 16 septembre 2010. La « nouvelle stratégie pour le Darfour » réduit l'importance accordée aux pourparlers internationaux de paix à Doha, au Qatar, dans la recherche d'une solution au conflit au Darfour. Selon le gouvernement soudanais, cette nouvelle stratégie sera basée sur des discussions et des consultations avec des groupes non impliqués dans les combats, sur des sujets tels que la réconciliation, la sécurité et la réinstallation des personnes déplacées. La stratégie a été critiquée par plusieurs parties au conflit au Darfour, ayant été rédigée sans avoir préalablement consulté les autres parties prenantes, y compris les participants aux pourparlers de paix à Doha. Selon les déplacés internes, la «nouvelle stratégie pour le Darfour » est une initiative qui vise en fait à détruire leurs camps et à forcer les populations déplacées à fuir. Selon les partenaires de Women's Initiatives, dans une attaque contre des déplacés internes à la fin janvier 2011, des forces lourdement armées ont été envoyées par le gouvernement soudanais à l'assaut du camp de déplacés de Zamzam, une opération dans laquelle 100 Land Cruiser armés ont été déployés. Les soldats ont volé les habitants du camp de tous leurs biens (des couvertures aux véhicules) et ont détruit ce qu'ils avaient décidé de ne pas prendre . Un certain nombre de personnes, y compris des femmes, des enfants et des anciens auraient été torturés au cours de cette attaque. En outre, onze femmes ont été violées, deux déplacés internes ont été tués et près de 100 personnes ont été arrêtées. Dans un message adressé à des organismes humanitaires internationaux et envoyé à Women's Initiatives pour sa diffusion, les femmes déplacées du Nord-Darfour ont appelé les Nations Unies et la communauté internationale, y compris les organisations humanitaires, à reconnaître leur sort, envoyer de l'aide et faire de ce conflit une priorité sur la scène internationale. Ce message fait suite à une pétition livrée par des femmes leaders des camps de déplacés à la délégation du Conseil de sécurité des Nations Unies qui s'est rendue dans le nord du Darfour en octobre dernier. ■ Lire le message des déplacés internes du nord du Darfour aux organismes humanitaires internationaux en anglais et en arabe. ■ Lire la pétition présentée par des femmes déplacées dans le nord du Darfour à la délégation du Conseil de sécurité des Nations Unies en anglais et en arabe. 1 Trial of DRC soldiers accused of mass rape in Fizi opens tomorrow in special mobile gender court, OSISA Media Advisory, 9 février 2011, à http://www.osisa.org/resources/docs/PDFs/news/Media_Advisory_Start_Mass_rape_trials.pdf (en anglais). 2 Par exemple, en octobre 2010, 13 soldats des FARDC ont été condamnés pour viol dans le territoire de Walungu, au Sud-Kivu, par un tribunal militaire. DRC Mobile Court a Sign of Hope, IPS, 8 mars 2011, à http://ipsnews.net/news.asp?idnews=54753 (en anglais). 3 DRC Death Penalty Debate, IWPR, 31 janvier 2011, à http://iwpr.net/report-news/drc-death-penalty-debate (en anglais). 4 Voir l'édition de mai 2009 de Voix des femmes (en anglais). 5 Press statement by Professor Philip Alston, UN Special Rapporteur on extrajudicial executions. Mission to the Democratic Republic of the Congo, 5-15 October 2009, 15 octobre 2009, à http://www2.ohchr.org/english/issues/executions/docs/PressStatement_SumEx_DRC.pdf (en anglais). Voir aussi l'édition de décembre 2009 de Voix des femmes (en anglais). 6 Resolution 1820, UNSC, 5916th meeting, S/RES/1820 (2008), 19 juin 2008, para. 3, à http://www.unfpa.org/webdav/site/global/shared/swp/2010/SC1820_fra.pdf. 7 Resolution 1820, UNSC, 5916th meeting, S/RES/1820 (2008), 19 juin 2008, para. 4, à http://www.unfpa.org/webdav/site/global/shared/swp/2010/SC1820_fra.pdf. |
Dans ce numéro S’inscrire sur notre liste de diffusion Qu'est-ce que sont les chambres foraines pour la justice pour les femmes? ■ Financées par l'Open Society Initiative for Southern Africa (OSISA) et l'Open Society Justice Initiative (OSJI), et mises en œuvre par la American Bar Association Rule of Law Initiative, les chambres foraines pour la justice des femmes visent à rendre accessible la justice aux victimes/survivantes vivant dans des zones reculées du Sud-Kivu, à l'est de la RDC, et sont complémentaires aux poursuites juridiques menées par la CPI sur les violences sexuelles et de genre commises dans la province. ■ Ces chambres foraines se concentrent sur les cas de viols et violences sexuelles, mais elles peuvent aussi juger d'autres crimes. ■ Les procès peuvent être à la fois civils et militaires en fonction du statut de l'accusé. ■ Les tribunaux fonctionnent selon le système judiciaire congolais. ■ Selon le OSJI, depuis le début du projet en octobre 2009, 186 cas ont été entendus, dont 115 étaient des cas de viol. De ce nombre, 94 ont abouti à des condamnations.[1] ■ Le 1er mars 2011, Women's Initiatives for Gender Justice a publié une déclaration (en anglais) relative à la saisine par le Conseil de sécurité des Nations Unies de la Cour pénale internationale pour la situation en Libye. ■ Du 4 au 8 mars 2011, Actions des femmes pour le développement (AFD), une organisation locale qui défend les droits des femmes et basée dans le Sud-Kivu, et Women's Initiatives for Gender Justice se sont associées pour l'organisation d'une marche, de trois ateliers et pour le lancement officiel d'une campagne de justice pour les femmes dans le territoire de Fizi. Les deux premiers ateliers, qui se sont tenus dans les villages de Mukela (4 mars) et Baraka (5 mars), ont chacun été suivis par 30 activistes des droits des femmes et ont abordé les questions d'accès des femmes à la justice nationale et internationale. Le troisième atelier, qui s'est tenu à Mboko les 6 et 7 mars en présence de 50 activistes des droits des femmes, a examiné l'élaboration d'un plan de trois ans visant à promouvoir la justice pour les femmes dans le territoire de Fizi. Ces activités ont abouti le 8 mars par une marche pour la justice pour les femmes, qui s'est tenue à Mboko et à laquelle quelque 600 personnes ont assisté. Ces initiatives ont été organisées en réponse à la détérioration de la situation sécuritaire au Sud-Kivu, en particulier dans le territoire de Fizi, et afin d'être solidaire avec les victimes/survivantes de viols et d'autres formes de violence sexuelle. ■ Le 8 mars 2011, la Amolatar Women Initiative for Women and Children's Rights, en partenariat avec le Greater North Women's Voices for Peace Network et Women's Initiatives for Gender Justice, a organisé « We Act Now », un projet d'un jour mis en œuvre dans le district d'Amolatar, dans la sous-région de Lango, au nord de l'Ouganda. « We Act Now » a été suivi par plus de 100 activistes issues de parties différentes du district d'Amolatar, qui ont rencontré les autorités locales ainsi que des représentants du Président de l'Ouganda et du gouvernement, afin de leur transmettre leur appel pour l'égalité entre les hommes et les femmes et pour la justice pour les femmes, ainsi que pour l'inclusion des femmes dans le processus de réconciliation et de responsabilité pénale. L'Honorable Nusura Tiperu, membre du Parlement national ougandais, jeune militante et membre de l'Assemblée législative est-africaine, a été l'invitée d'honneur de la réunion. ■ Cinq membres du Greater North Women's Voices for Peace Network, en Ouganda, ont participé aux élections qui ont eu lieu entre février et mars 2011. Un membre du réseau a été élu au Parlement national et quatre membres ont été élus aux conseils des districts locaux. Le Greater North Women's Voices for Peace Network a été créé en 2007 afin de fournir une plate-forme pour les activistes des droits des femmes et de la paix au nord de l'Ouganda et de leur permettre de participer aux pourparlers de paix de Juba visant à mettre fin au long conflit qui sévit dans le Grand Nord. Leur récente élection au sein de la fonction publique permet de renforcer la participation de défendeurs des droits des femmes au sein des instances politiques et appuie la voix des défenseurs de la justice pour les femmes dans d'importants organes de décision. ■ Le 7 février 2011, des fonctionnaires électoraux ont confirmé que lors du référendum sur le Sud-Soudan, 99 % des électeurs ont voté en faveur de l'indépendance. Le nouvel état du Sud-Soudan naîtra officiellement le 9 juillet 2011. Cette période de transition constitue une occasion importante pour l'inclusion des femmes dans le processus politique, ainsi que pour l'intégration de principes et de dispositions promouvant l'égalité entre les hommes et les femmes au sein de la nouvelle constitution et d'autres lois, au fur et à mesure qu'elles seront développées. |
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